On ne voit que moi !

Comment réinventer un objet culte du design? 

Comment changer le statut d'un objet ? 

En quoi la forme d’un objet nous renseigne-t-elle sur sa fonction ?

Karl Lagerfeld en 1987


ON NE VOIT QUE MOI ! 


Concevez une paire de lunettes pour être vu. Votre objet sera inédit et pourra être réellement porté. 


Travail en volume par groupe de deux. 


Quelques repères historiques sur l'invention des lunettes : 

Qu’elles soient pour corriger la vue, protéger, être un accessoire de mode ou un objet d’art, les lunettes sont le fruit d’idées des plus pratiques aux plus étonnantes.

Dès le Ier siècle, le philosophe Sénèque constate qu’un objet observé à travers un ballon de verre rempli d’eau apparaît plus gros.

À la même époque, Pline l’Ancien décrit l’utilisation d’une émeraude par l’empereur Néron pour suivre les combats de gladiateurs ; il est possible que ce soit là une lentille optique pour corriger la myopie.

Au Moyen Âge apparaît l’usage de la « pierre de lecture », dans les monastères en particulier, dont la qualité grossissante permet de combattre les effets de la presbytie, une fois posée sur un texte écrit. Cette pierre pouvait être un cristal de roche taillé.

Pierre de lecture (« Beryllus »). Musée de l’optique à Oberkochen.

C’est au XIIIe siècle à Florence que le physicien Salvino degli Armati met au point une paire de verres enchâssée dans un cercle de bois, dont l’épaisseur et la courbure permettent de grossir les objets et les textes. Dès lors, l’objet prend un essor certain.

Les premières besicles (lunettes sans branches qui se fixent sur le nez), apparaissent à Venise à la fin du XIIIe siècle. Elles se composent de verres de Murano enchâssés dans des cercles en bois, en corne ou en cuir, et attachés individuellement à des manchons rivetés par un clou.

Jean-Baptiste Siméon ChardinAutoportrait aux bésicles, vers 1775, pastel

Au xve siècle, le clou est remplacé par un pont, et les matériaux évoluent : bois, métal, corne, cuir, écaille de tortue ou encore fanon de baleine. Plus tard on ajouta un ruban noué derrière le crâne ou d’une ficelle autour de l’oreille pour plus de confort.
Après le moyen-Âge, les formes progressent ainsi que leur qualité jusqu’à la forme que nous connaissons aujourd'hui. 

Lorgnette, v. 1750, Musée Cognacq-Jay, Paris
Lorgnette émaillée en plein offre un décor d'or ciselé, partiellement émaillé de vert émeraude sur fond ciselé et guilloché, délimitant des cartouches. Ils encadrent des bouquets de fleurs peints en émail. 

Henri Nicolas Van Gorp, Femme à la lorgnette, 1819, huile sur toile, 
40,5 x 32,5 cm, musée des Beaux-Arts de Rouen

Lorgnette, 1890-1910, cuivre doré et verre, musée McCord, Montréal

Lunettes chinoises, fin 19ème début 20ème siècle


Au milieu des années 1950, le design fait son apparition dans le domaine de la lunetterie, qui fait alors appel aux plastiques dont le moulage et les propriétés se prêtent à l’inventivité des créateurs : la lunette n’est désormais plus simplement une prothèse médicale. Ce mouvement s’accentue dans les années 1980-1990, de nombreux designers lançant leur collection, et les lunettes deviennent un accessoire de mode, mêlant ergonomie et esthétique. 


Five hundred years of spectacles, from classic to outrageous, Taschen

VOCABULAIRE 

Assemblage : technique qui consiste à réunir de manière solidaire différents éléments pour former un tout. 

Design : il s'agit de la recherche d'une harmonie entre les formes et les fonctions d'un objet.  

Ancrage artistique 

Créations Haute Couture Pierre Cardin 



Linda Farrow x Jeremy Scott Flesh Hands Sunglasses 

Lygia Clark 
Lygia Clark, «Diálogo, Óculos», 1968

Lygia Clark recherche des processus interactifs avec le spectateur. Ceci l’a conduit à concevoir des objets utilisés comme moyen de communication. Les «lunettes» – (voir aussi «Máscaras sensoriais») – permettent d’affiner la vision et proposent une nouvelle façon de voir. Ce dispositif portable, place Lygia Clark en compagnie « des  chercheurs de perception ». Cela n’est pas sans compter sur l’aspect sensuel dû à la proximité avec le spectateur. Ces lunettes font partie du projet «Oculos.»


Hyungkoo Lee  

L’homme utilise souvent l’art pour questionner sa singularité. Grâce à ces étranges lunettes, l’artiste coréen Hyungkoo Lee adopte un regard d’insecte. Cette création fait partie de son travail intitulé The Objectuals (2002). 


Cyrus Kabiru 


Artiste émergent et autodidacte, Cyrus Kabiru crée des lunettes sculpturales et expressives, fabriquées à partir d’objets trouvés et recyclés.

Riches en détails et en matériaux, les « C-Stunners » de Cyrus Kabiru sont composées de déchets trouvés dans les rues de Nairobi. Ses lunettes spectaculaires sont sa propre invention et sont directement liées à son histoire : 

"Quand j’étais jeune, j’admirais les vraies lunettes. Mais mon père était un peu dur et il n’a jamais voulu que j’en porte. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé à fabriquer mes propres lunettes. J’adore vraiment les déchets, j’essaie de donner une seconde chance aux déchets."

Série de lunettes sculpturales C-Stunners, 2011


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